samedi 21 février 2015

TEDx Expérience : Théoriser la démarche

Une semaine après l'entretien de casting, Gilles Auberger me demande "comment j'ai "théorisé" ma démarche ?

Grâce à cette question, je me suis rendue compte que ma démarche peut être "théorisée" de la manière suivante en opposant :
- Le Rationalisme et le Rêve
- La Croyance et le Symbole
C'est donc par sérendipité que j'ai fait émerger cette démarche.

Comment j'ai mis en oeuvre cette démarche ?

1) Le rationalisme et le rêve
Lorsque j'ai rêvé de mes frères qui me demandent "Sors nous de la pénombre"
D'un côté mon rationalisme (je suis ingénieur qualité) me dit que ce n'est qu'un rêve. Il ne faut pas en tenir compte.
D'un autre côté, dans mon for interieur je sens qu'il y a quelque chose de faire : Depuis janvier 2012, je me réveille tous les matins à 3h30 (l'heure à laquelle j'ai rêvé de mes frères qui m'ont demandé "sors nous de la pénombre") et impossible de me rendormir. Et pourtant, je ne me sens pas fatiguée dans la journée. 

En prenant ce rêve à mon compte j'agis  :
- j'imagine que l'impossible est possible en me posant deux questions et en écrivant des lettres à mes frères comme s'ils étaient vivants et comme si on venait de se retrouver :
  • Quels souvenirs ai-je de mes deux frères ?
  • Si j’ai la possibilité de correspondre avec eux qu’aimerais-je leur dire ?
- je brise la loi du silence qui règne au sein de ma famille
J'enquête en posant des questions à mes proches :
Mes frères se sont évadés de leur camp de travail et sont venus au village avant de fuir. Ils ont donné des informations aux uns et aux autres et après, plus rien. Qui savait quoi sur le plan d’évasion de mes frères ? Y avait-il la moindre chance qu’ils aient échappé aux Khmers rouges ?
Grâce à cette enquête et aux réponses obtenues, je suis persuadée que mes frères sont morts.

2) La croyance et le symbole
Mes parents sont bloqués par leur croyance (croyance populaire cambodgienne) : puisque mes frères n'ont pas eu de sépulture, leurs âmes sont en errance pour l'éternité.
Je comprends la douleur, le chagrin de mes parents (entre temps je devenue maman à mon tour) et je souffre également en silence avec eux, même si je n'ai reçu aucune éducation religieuse.

Je les convaincs - en leur présentant mes lettres reliées au format passeport - de faire une cérémonie des morts de manière symbolique. Cette cérémonie pourrait permettre aux âmes de mes frères de passer les portes, de ne plus être en errance et surtout permettre à mes parents de ne plus souffrir en silence et nous permettre à tous de faire leur deuil.

Ce travail de mémoire traumatique et vivante- comme le définit Boris Cyrulnik dans son livre "sauve toi la vie t'appelle"- est libérateur.
Puisque c'est en faisant ce travail de mémoire que je suis devenue "auteur" de ma vie et m'autorise à retourner dans mon pays. Ensuite, j'ai pu aider ma famille à faire le deuil qui j'espère les aidera également à devenir "auteur" de leur vie.

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